Ma vie pour la tienne - Jodi Picoult

A treize ans, Anna a déjà subi de nombreuses interventions et transfusions afin que sa sœur aînée Kate puisse combattre la leucémie qui la ronge depuis l'enfance. Anna sait qu'elle a été conçue pour être génétiquement compatible avec Kate et qu'elle est son seul espoir. Cependant, lorsqu'on lui demande de faire don d'un rein, l'adolescente refuse. Elle veut disposer librement de son corps et ira jusqu'au bout pour se faire entendre... S'inspirant d'un fait réel sur une " enfant-médicament ", voici un récit choral subtil et profondément humain.

Mon avis:

Si je me suis retrouvée avec ce roman entre les mains, c’est un peu par hasard. Je devais complèter une commande et Ma vie pour la tienne était, dans le choix proposé, le livre qui me rebutait le moins. A la base, je ne suis pas une passionnée de romans dramatiques où la tragédie s’accroît à chaque chapitre. J’aime les histoires manichéenes, avec les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Elles me rassurent, me sécurisent et me changent de la réalité. Parce que la vie n’est pas noire ou blanche, mais se déploie plutôt en un kaléidoscope de gris. Alors, pourquoi me plonger dans un roman où il n’y a pas de méchants à détester?

Dans Ma vie pour la tienne, selon moi il n’y a pas de coupable, personne n’est vraiment à blâmer, sauf la maladie. Là où l’auteure démontre l'étendue de son talent, c’est dans son adresse pour me faire ressentir de l’empathie pour chacun des protagonistes, et ce n'était pas gagné d'avance. Le roman se décline en chapitres courts et percutants, racontés chacun du point de vue d’un personnage différent. Je me dois également de souligner que chaque personnage a eu droit à sa propre police de caractères, une première pour moi !
Des retours en arrière de plusieurs années parfois sont fréquents et bienvenus pour la conpréhension de l'histoire.
Nous suivons donc Anna, jeune adolescente introvertie dont la conception a été programmée scientifiquement pour pouvoir répondre aux besoins en plaquettes, moelle et autres de sa sœur Kate, atteinte de leucémie. Elle va porter plainte contre ses parents pour atteinte à sa liberté de disposer de son propre corps. Anna se cherche une identité et a du mal à se voir autrement qu’à travers Kate à qui elle a l’impression de devoir son existence. Toutefois, ses gestes ne sont pas dictés par l’amertume ou la rancœur mais par un besoin profond de reconnaissance. Un petit reproche toutefois, je la trouve bien trop mûre pour une jeune fille de 13 ans. Ensuite vient Jesse, le grand frère, ado perturbé et enclin aux délits et à la provocation. Il a l’impression d’être invisible pour ses parents et culpabilise de ne pas avoir pu aider Kate. Sara, la mère et le roc de la famille, bien décidée à tout faire pour maintenir Kate en vie et Brian, le père, qui se réfugie dans le travail pour fuir sa souffrance. Nous suivons également Campbell, l’avocat sarcastique et Julia désignée tutrice d’Anna pendant le procès. Campbell et Julia se sont connu et se retrouvent après de longues années de séparations…
Et enfin Kate, le centre de toutes les attentions, également la plus lucide par rapport à sa maladie.
Ce que j’ai ressenti, c’est une grande nostalgie de ce qui n’est pas, beaucoup de et si, et si Kate n’était pas tombé malade, je ne serais jamais né (Anna)? Et si j’avais eu une enfance normale (Jesse)? Et si…
Je suis sortie vidée de cette lecture de m’être trop profondément investie, il ne me restait plus une seule larme à verser. D’ailleurs, je ne pense pas que quiconque puisse ouvrir ce livre et espérer en ressortir indemne.
En conclusion, une question s'impose:  est-ce que je lirais d’autres écrits de de Jodi Picoult?
Oui certainement, mais pas avant plusieurs mois, le temps de digèrer celui-ci !
Pour terminer, un passage qui m’a beaucoup touché, parce qu’il me donnait l’impression de m’être adressé: « Laissez-moi vous dire ceci: quand vous rencontrez une personne solitaire, ce n’est pas, quoi qu’elle vous raconte, par goût de la solitude. C’est que, ayant tenté de s’intégrer au monde, le monde continue à la décevoir. »